© Eric Barbeau / BARBEAU-IMAGES

Crépuscule d’automne

J’ai immortalisé ce moment d’intimité il y a exactement 20 ans, au cours d’une promenade d’automne sur la plage de Kitsilano. Je ne les connaissais pas; je ne leur ai jamais parlé. Je me souviens d’avoir été touché par la scène: deux tourtereaux âgés admirant le coucher de soleil, en retrait de l’agitation du centre-ville, loin derrière.

Quand j’ai fait cette image en octobre 1993, j’imaginais un très vieux couple. Je les sentais unis par les souvenirs d’une longue vie à deux, émus par les chaudes lumières de l’automne, moments bouleversants marquant la fin du jour, la fin de l’été, voire la fin de leur vie.

Bien des crépuscules ont eu lieu depuis cette image, que j’ai retrouvée il y a quelques semaines à peine. Je voulais offrir cette photo en cadeau, pour symboliser l’amour qui dure. Signe des temps: je n’ai pas eu le temps d’en faire un tirage que le présent symbolique était déjà devenu désuet et non pertinent. Le fichier traîne sur le desktop de mon ordinateur depuis.

En réfléchissant à la volatilité amoureuse qui caractérise notre époque, je me suis surpris à penser qu’au fond, mes perceptions -vos perceptions?- peuvent être déformées par les normes et les clichés. Les tourtereaux de Kits Beach venaient peut-être à peine de se rencontrer quand je les ai photographiés. Et si c’était l’émotion d’un nouveau début qui les captivait tant quand la lentille de mon vieux Yashica a croisé leurs silhouettes voûtées? Et si la grande force de cette image ne résidait pas tant dans une incarnation de la résilience amoureuse, mais plutôt parce qu’elle représente l’espoir des commencements, même quand on est vieux? Et si…?

Et si, parfois, les crépuscules étaient des aubes?

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