Archives par étiquette : Haiti

Pou sinkan ou Haïti prise 2

J’avais assisté à la glorieuse montée d’Aristide en 1991. Et sans le savoir quand je suis revenu en février 2004, comme photographe cette fois, j’allais maintenant témoigner de la chute du président. Treize ans après mon premier passage, le prêtre salésien était devenu millionnaire. Haïti, prise 2.

La crise avait débuté en décembre dans les universités. Violence, attaques, règlements de comptes mortels étaient monnaie courante. Des insurgés avaient formé une armée de guérilla, bien repliée dans le centre du pays.

Dans le bidonville de Cité-Soleil, les opposants d’Aristide l’accusaient de «subventionner» les Chimères, ces jeunes truands qui terrorisaient la capitale et qui avaient pris le contrôle du bidonville de Cité-Soleil, où les enfants agissaient comme de véritables soldats, revolver bien en vue, pour indiquer qui est en charge de la zone.

Tous les ingrédients étaient réunis pour que le pays n’éclate à nouveau. J’ai passé un mois et demi en Haïti en 2004 et parcouru plusieurs régions du pays. Je voyageais avec Marie-Claude Malboeuf, journaliste à La Presse. Plusieurs de mes photos ont illustré ses reportages.

À la fin de notre séjour, alors que nous étions évacués de Port-au-Prince sur un Hercule de l’armée canadienne, les rebelles avaient repris le contrôle de la capitale et festoyaient dans les hôtels de Pétionville, armés jusqu’aux dents. Jean-Bertrand Aristide avait quitté le pays deux jours plus tôt sous les pressions de la France, du Canada et des États-Unis, bien escorté par l’armée américaine jusqu’en Centrafrique.

Barbeau-Images

Barbeau-Images (2000-2005)L’idée de lancer ma propre entreprise de photojournalisme est née lors d’un voyage en Équateur en 1999. Les images de la crise des autochtones Qechua que je rapportais chez moi méritaient d’être vues; l’histoire de ce petit pays d’Amérique du Sud méritait d’être racontée et partagée. L’arrivée de l’internet permettait de numériser les négatifs et de faire circuler les images partout dans le monde.

L’aventure photo a duré cinq ans à partir de ce 12 janvier 2000, date à laquelle Le Devoir a publié ma photo équatorienne. J’ai fait une multitude de premières pages par la suite, publié dans des publications prestigieuses comme l’Actualité, La Presse, Québec Science, Philadelphia Inquirer. J’ai voyagé en faisant des images, notamment en Haĩti où je suis retourné en 2004 comme photographe de presse. Mon reportage-photo dans le magazine de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec était finaliste aux Grands prix du magazine québécois en 2005.

L’arrivée des appareils numériques performants vers 2003-2004 a complètement tué le modèle des agences de stock (ou images d’archive). La prolifération d’images gratuites rendait les banques d’images non viables. En 2005, j’ai confié mes droits à l’Agence Alpha-Presse.

À mon retour d’Haïti en 2004, j’ai aussi été souvent invité comme conférencier dans les clubs photo pour parler du journalisme par l’image.

Nou se Lavalas

L’élection de Jean-Bertrand Aristide à la présidence haïtienne en décembre 1990 était porteuse d’énormes espoirs. Pour plusieurs observateurs de la scène politique internationale, il s’agissait d’un moment historique. Haïti, premier peuple noir à s’affranchir de l’esclavage en 1804, reprenait encore une fois le contrôle de sa destiné en élisant cette fois un prêtre comme président. 68% des électeurs ont voté pour Aristide. Le parti du prêtre-président, Lavalas (le torrent en créole), semblait canaliser l’énergie de toute une nation, après les cinq ans de chaos qui avaient suivi la fuite de Jean-Claude Duvalier en février 1986.

À l’époque, j’étais producteur-délégué d’une série d’émissions sur les pays en voie de développement intitulée Latitude Sud, pour TV5. Après l’élection en décembre, il était clair que nous devions immortaliser l’arrivée au pouvoir de Titid. Montréal comptait la troisième plus importante diaspora haïtienne des Amériques après New-York et Miami. TV5 nous a donc envoyés faire un grand reportage de 30 minutes.

Ces dix jours dans la Perle des Antilles ont changé ma vie. L’émotion, la proximité des Haïtiens avec le Québec, le caractère historique de l’événement et le charisme d’Aristide rendaient ce reportage international tout-à-fait magique. J’ai publié de nombreux articles sur l’entrée en scène d’Aristide à mon retour à Montréal.  Je sentais que nous devions témoigner coûte-que-coûte de ce qui se passait là-bas. L’euphorie du moment s’est vite estompée toutefois.

En juillet 1991, Coprocom, la compagnie de production qui m’employait, fait faillite. Puis le 30 septembre 1991, le chef de l’armée Raoul Cédras organise un putsch militaire et chasse Aristide du pouvoir. Le côté marxiste et populiste du président Aristide avait aliéné les classes dirigeantes cantonnées à Pétionville, la banlieue cossue de Port-au-Prince. Son règne n’aura été que de sept mois.

Jean-Bertrand Aristide a été ré-installé au pouvoir par Washington et une force multinationale en 1994. Il sera ré-élu président pour un mandat de cinq ans en 2000.

.

La radio dans la marge

Quand j’ai mis les pieds dans les locaux de CISM pour la première fois en 1988, la radio étudiante de l’Université de Montréal n’émettait que sur circuit fermé. J’avais répondu à une annonce placardée partout sur le campus à l’effet que l’on cherchait des projets d’émissions. Quelques jours plus tard, j’étais en ondes et j’animais une émission d’information intitulée L’Actuel.

Eric Barbeau au micro de CISMMon deuxième passage à CISM a eu lie en 1991 au service des nouvelles. La station était passée depuis sur la bande FM à la fréquence 89.3FM. Il s’agissait d’une tribune extraordinaire. Avec un émetteur de 10 000 watts, on pouvait nous entendre partout dans la grande région de Montréal. Nous étions affiliés au réseau NTR de la Presse canadienne que nous alimentions régulièrement en reportages.

Lors du putsch en Haïti qui a chassé le président Aristide du pouvoir pour la première fois en septembre 1991, j’ai mis mon carnet d’adresses au profit de CISM.  Mes entrevues à distance (parfois en direct) avec des membres du gouvernement Lavalas, cachés dans leur pays, ont vite fait parler d’elles dans la diaspora.

Cliquer sur le micro pour entendre l'audio

Cliquer sur le micro pour entendre l’audio

J’ai reçu un prix NTR en 1991 pour ma couverture du conflit.